En début du 6ème mois de grossesse, il a été temps pour moi de ranger mon bureau, d'organiser mes dossiers et de récupérer mon mug Grincheux. Le temps du repos est arrivé et avec lui un sentiment auquel je ne m'attendais pas : la culpabilité.
Depuis le début, j'ai la chance d'avoir une grossesse sans complication. Je sais que c'est loin d'être le cas de toutes les futures mamans et je mesure ma chance de pouvoir répondre à une question régulière par un " oui, tout va très bien merci".
Comme tout est nouveau pour moi, j'ai pris le parti d'accepter chaque petit symptôme comme étant tout à fait normal. Les douleurs de sciatique : normale ; les crampes aux doigts de pieds : normales, la fatigue : normale , les brûlures d'estomac : normales etc.
Quand j'ai commencé à avoir mal au ventre, j'ai pensé que ça aussi c'était normal. A mon retour de vacances, j'ai repris mon travail et les douleurs ont commencé. La posture assise sur ma chaise de bureau en position d'écoute face aux personnes que j'accompagnent ne me faisait pas du bien du tout. Après chaque heure d'entretien quand je me relevais, j'avais l'impression que mon ventre était une boule de papier qu'on avait froissée très fort et qu'on essayait de réétirer. Le premier jour de reprise, j'ai même pu identifier une première contraction en étant assise. Mais eh! A 4 mois et demi de grossesse les contractions de ce type sont tout à fait normales non?! Et puis la semaine a continué. J'avais mal en étant assise, mal en me relavant. J'ai commencé à avoir mal en marchant, je devais me tenir le bas du ventre parce qu'il devenait dur et lourd et que j'avais l'impression qu'il me brulait. Mais eh, c'est pas les douleurs ligamentaires ça?! Normal donc.
Chaque soir, il me fallait me coucher une bonne heure, jambes surélevées pour pouvoir détendre mon ventre et atténuer les sensations de brulures et de tension.
Quand je suis arrivée tranquillement à mon rendez-vous du 6ème mois auprès de ma sage femme, elle m'a posée la fameuse question : "Tout se passe bien?" et par réflexe j'ai répondu l'éternel " Oui très bien merci!".
Et puis je me suis quand même dit que ça pourrait être intéressant de lui parler de mes douleurs et de savoir s'il existe des étirements ou des postures qui pourraient les soulager. Au fur et à mesure que je les lui ai décrites j'ai compris que j'avais du me planter quelque part... " Mais ce dont vous me parlez, ce sont des contractions." Oh ba non! Les contractions c'est quand tout le ventre devient dur comme du béton, non? Et là, quand la sage-femme vous explique très gentillement que les contractions s'arrêtent là où s'arrêtent l'utérus ( logique) et qu'en l'occurrence l'utérus en question actuellement monte juste à quelques centimètres du nombril... Donc je contracte tous les jours depuis 15 jours, le tout de manière douloureuse, sans avoir été incapable de m'en rendre compte... je vous laisse simplement imaginer la tête que j'ai pu faire.
Je me suis sentie nulle, mais nulle! Alors, ma sage-femme n'a absolument pas été culpabilisante bien au contraire mais moi là dedans je me suis juste dit que j'étais à côté de la plaque.
S'en est suivi le fameux "Donc, on va s'arrêter là maintenant". Et ma tête d'éberluée qui ne comprend pas de quoi on lui parle. S'arrêter de faire quoi? Me voilà au début du 6ème mois et on me parle d'arrêt de travail. Et moi la seule chose à laquelle je pense c'est que je ne peux pas. Je n'ai pas encore eu le temps de préparer mes relais, ni mes dossiers, ni mes patients. Je pensais tenir au moins jusque début juillet. J'ai négocié 3 jours de travail supplémentaires pour me permettre d'organiser un peu ma future absence et puis je suis rentrée chez moi.
Et j'ai continué à me sentir complètement nulle. Comme si j'avais échoué quelque part. Je n'ai pas réussi à "tenir". J'avais l'impression que comme mon bébé allait bien et que mon col ( désolée du détail) n'avait pas bougé, peut être que mes contractions n'étaient pas une raison suffisamment valable pour m'arrêter. Est ce que je n'avais pas assez essayé?
A présent, quand je me lis, je me dis que ma réaction est tout sauf ce à quoi je m'attendais de ma part. Je savais pourtant que si une amie c'était retrouvée dans la même situation, je lui aurai dit à quel point elle n'avait pas à se sentir coupable. A quel point l'important c'était elle et son bébé et qu'il fallait qu'elle s'accorde ce temps pour ce concentrer sur l'essentiel. Que le travail serait toujours là à son retour et que "tenir" ne lui donnerai droit à aucune médaille.
Mais à ce moment là, je serai incapable de vous dire pour quoi je me suis sentie aussi mal. Je craignais la réaction de mes collègues, d'avoir à me justifier. J'étais un peu assommée.
Et puis, heureusement mon entourage m'a dit exactement ce qu'il me fallait entendre et m'a aidée à ouvrir les yeux. A prendre du recul et à me rendre compte qu'il était temps pour moi d'écouter mon corps et de lui donner le coup de pouce nécessaire pour l'aider, excusez-moi du peu, à fabriquer ce bébé dans les meilleures conditions possibles.
Pour achever tout sentiment de culpabilité, mon retour au travail pour 3 jours s'est accompagné d'une extrême bienveillance de la part de mes collègues et de méga douleurs malgré tous les aménagements possibles et imaginables de mon poste de travail. Là, il n'y avait plus d'hésitation possible, il était temps de remballer!
Cela fait à présent une semaine que je suis à la maison et heureusement mon état d'esprit a bien changé depuis! Je pense que je n'étais simplement pas préparée et que j'ai été surprise. Je n'ai pas vraiment contrôlé ce que j'ai pu ressentir. La grossesse est quelque chose de tellement nouveau et on peut être parfois tellement exigeant vis à vis de soi même. Comme s'il s'agissait d'une performance. Comme si la femme enceinte moderne devait être absolument en pleine forme parce que, Eh, la grossesse c'est pas une maladie hein?! Oh comme j'ai pu l'entendre celle-ci. Alors, non ce n'est pas du tout une maladie mais il ne faudrait pas que cette phrase nous donne l'impression que l'on doit mener sa vie comme si rien n'était en train de se produire.
Depuis que je suis au repos, mes douleurs se sont bien atténuées tout comme mon sentiment de culpabilité. Je vais utiliser ces quelques mois pour être à l'écoute de mon corps et de mon p'tit mec pour lui donner tout ce qu'il m'est possible pour qu'il puisse venir au monde dans les meilleures conditions.
On va prendre notre temps, trouver notre routine bien-être au quotidien et dévorer des dizaines de livres! ;)